Le mercredi 21 mars 2018, le CEFIR organisait un colloque sur l’extrême-droite au Québec. Cette initiative émanait du constat que les groupes et idées de la mouvance identitaire et d’extrême-droite sont au-devant de la scène médiatique depuis quelques années au Québec, avec notamment le tragique attentat de la mosquée de Québec de janvier 2017. Dans ces circonstances, il convenait de rassembler les spécialistes sur la question pour faire le point de façon pondérée et appuyée sur des données probantes. Ce colloque se tenait à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale.
La journée a débuté par deux études de cas de groupes actifs au Québec. Dans un premier temps, Martin Geoffroy, directeur du CEFIR et professeur de sociologie au cégep Édouard-Montpetit, a analysé le contenu des réseaux sociaux du groupe La Meute. Il a démontré comment ce groupe, qui rejette l’étiquette d’extrême-droite, appartient bel et bien, selon M. Geoffroy, à cette mouvance.
Dans un second temps, Yannick Veilleux-Lepage, Senior researcher à la Georgia State University, a analysé les interactions, encore une fois sur les réseaux sociaux, des membres des Soldats d’Odin québécois et internationaux. Sa présentation, tirée d’une étude menée avec Émil Archambault, doctorant à l’Université Durham, a montré la spécificité de la section québécoise.
Après le dîner, Frédéric Boily, professeur de sciences politiques au Campus Saint-Jean de l’Université d’Alberta, a pris quant à lui un pas de recul pour tenter de voir s’il existait une tradition d’extrême-droite au Québec. S’il y a bel et bien selon lui des groupes d’extrême-droite qui se sont manifestés de façon récurrente depuis les années 1930, on ne peut parler d’une véritable tradition.
Louis-Philippe Lampron, professeur de droit à l’Université Laval, est venu par la suite faire le point sur la notion de liberté d’expression et ses limites. Soulignant que la charte canadienne des droits et libertés visait à protéger les minorités et groupes défavorisés contre les potentiels abus de la majorité, en plus de garantir les conditions de l’exercice de la démocratie. Ainsi, la liberté d’expression connaît des limites visant à protéger l’intégrité et le bien-être de tous, sans que cela n’empêche l’expression d’idées radicales.
Marc Imbeault, professeur de philosophie au Collège militaire royal de Saint-Jean et professeur-praticien au CEFIR, a évoqué l’importance de la pensée de Charles Maurras et de Georges Bernanos dans la construction de l’extrême-droite française. Sa présentation s’est conclue par une réflexion à la fois stimulante et provoquante, à savoir s’il est possible d’être nationaliste sans ouvrir la porte au fascisme. Les débats qui s’en sont suivis ont été vifs, laissant la question ouverte pour de futures discussions.
Stéphanie Tremblay, professeur en sciences des religions à l’Université du Québec à Montréal et chercheuse associée au CEFIR, a quant à elle abordé la notion de laïcité et son évolution entre deux moments charnières des débats contemporains sur la place de la religion au Québec, soit la Commission Bouchard-Taylor de 2008 et le projet de Charte des valeurs de 2013. Elle a documenté une évolution de la notion vers une conception de la laïcité proche de certaines valeurs autrefois réservées à l’extrême-droite.
Maryse Potvin, professeure en sciences de l’éducation à l’UQÀM, a enfin éclairé l’audience sur un projet stimulant de recherche-action avec des membres de groupes d’extrême-droite ou identitaires, doublé d’une analyse de la couverture de l’attentat de Québec en 2017. Elle a ouvert des perspectives très stimulantes pour la prévention de la radicalisation d’extrême-droite et pour passer de la recherche à l’action dans un contexte social et politique très tendu autour des questions d’intégration, de cohabitation des religions et de définition de l’identité québécoise.
En fin de journée, Sylvie Loslier, professeure d’anthropologie et coordonnatrice de la Boussole interculturelle du cégep Édouard-Montpetit, a animé la table-ronde « Quelles avenues pour prévenir le racisme et l’extrémisme de droite » en compagnie de Johanne Magloire de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et de Norma Miranda du Comité Longueuil ville sans racisme. Après une journée d’analyses et de discussions théoriques, cette table-ronde a permis de proposer des pistes d’action concrètes pour prévenir le développement du racisme dans nos communautés.
L’équipe du CEFIR remercie chaleureusement les participantes et participants de cette journée ainsi que les très nombreux membres de la communauté collégiale qui ont animé cette journée. Les présentations seront placées sur le canal YouTube du CEFIR sous peu.