Le 21 mars 2018, le CEFIR organisait le colloque « L’extrême-droite au Québec : du racisme à la radicalisation ». Cette journée se voulait un espace d’échange entre spécialistes, membres de la communauté collégiale et gens du grand public autour d’un enjeu sensible depuis quelques années au Québec. Bien que l’événement se soit globalement bien déroulé, il a été passablement perturbé par la présence de membres des organisations La Meute et Les Soldats d’Odin. Ces militants de groupes d’extrême-droite avaient eu vent de l’événement par les réseaux sociaux et ont profité du caractère gratuit et ouvert à tous du colloque pour venir en perturber le déroulement. La décision de venir a été prise par ces groupes eux-mêmes et non suite à une invitation de la part du CEFIR.
Bien évidemment, toute personne intéressée est bienvenue dans les événements ouverts du CEFIR. Cependant, cela est possible uniquement à condition de respecter les lois, les règlements du cégep Édouard-Montpetit, le code de conduite des usagers du cégep ainsi que les règles courantes de bienséance et de respect nécessaires à la tenue de tels événements. La présence d’un grand nombre de militants et militantes arborant les logos et emblèmes de groupes d’extrême-droite n’est pas conforme à ces règles et a indisposé autant les participants et participantes du colloque que les étudiantes et étudiants. De plus, de nombreux actes déplacés ont été commis sur les lieux du colloque comme ailleurs dans l’établissement : interruption des présentations, attitude irrespectueuse, non-respect des règles quant aux droits de parole, monopolisation du temps de parole, captation vidéo à l’insu des présentateurs, sollicitation auprès d’étudiantes et étudiants, incivisme. Ces pratiques ne sont pas acceptables pour le CEFIR et ne seront plus tolérées lors de nos activités.
Enfin, le contenu des présentations a visiblement irrité certains militants et certaines militantes. S’il est compréhensible que ces personnes ne partagent pas les conclusions des chercheurs à propos de leurs groupes, elles doivent comprendre que la recherche est une entreprise d’analyse critique fondée sur des méthodes précises qui ne peut se contenter de retransmettre les discours des acteurs sociaux tels quels. Le CEFIR continuera cependant à étudier les mouvements identitaires et d’extrême-droite dans le cadre de ses recherches, pour lesquelles les militants seront contactés pour des entretiens et observations de recherche où ils pourront contribuer à affiner notre compréhension de leurs mouvements.
Deux présentateurs, Frédéric Boily et Louis-Philippe Lampron, dont les propos ont été manipulés par des militants de La Meute ont tenu à rectifier les faits. Cela constituera la seule et unique réponse des chercheurs aux critiques émanant des groupes militants autour de ce colloque.
Après avoir pris connaissance des propos qui ont été postés sur Facebook (22 mars 2018) par le responsable de La Meute, Sylvain Brouillette, nous souhaitons faire une mise au point. Nous y tenons parce que ceux-ci laissent croire que nous aurions affirmé, lors de nos deux communications livrées lors du colloque du CEFIR du 21 mars 2018, que La Meute n’est pas extrémiste et, qu’au surplus, nous aurions contredit le directeur Martin Geoffroy. En d’autres termes, que nous aurions presque cautionné La Meute. Rien n’est plus faux.
D’une part, la conférence de Frédéric Boily examinait les textes de La Fédération des Québécois de souche afin de montrer que ce groupe relevait de l’extrémisme intellectuel d’extrême droite et identitaire. C’est ce que la publication du texte de la communication montrera clairement avec extraits à l’appui. Il n’y avait rien dans cette conférence permettant à La Meute de se dédouaner du label d’extrémisme. C’est d’ailleurs pourquoi lorsqu’une question a été posée à Frédéric Boily à propos de La Meute, ce dernier a choisi de ne pas y répondre pour la simple raison que sa recherche ne portait pas sur ce groupe. L’avoir fait aurait été de l’ordre de l’opinion, ce qui n’aurait pas été acceptable dans le cadre d’un colloque scientifique.
D’autre part, celle de Louis-Philippe Lampron portait de manière générale sur les limites à la liberté d’expression en droit canadien et québécois. Tel qu’en témoigne le titre de sa conférence, un de ses objectifs était de rappeler que, pour toute fondamentale qu’elle soit au sein des sociétés démocratiques, la liberté d’expression n’est pas absolue et doit être modulée en fonction, notamment, du principe cardinal de la protection des minorités contre les abus potentiels de la majorité. Que ce soit dans sa conférence ou lors de réponses aux questions qui lui furent posées après celle-ci, Louis-Philippe Lampron n’a pas abordé le cas spécifique de La Meute.
Enfin, nous tenons à rappeler que la conférence de Martin Geoffroy a été faite dans les règles de l’art scientifique et que cette dernière était de haute qualité scientifique. Le phénomène de l’extrémisme de droite, comme de gauche du reste, mérite toute l’attention des chercheurs et nous avons été ravis de contribuer à jeter un peu d’éclairage sur le sujet.
Frédéric Boily
Département de sciences politiques
Université de l’AlbertaLouis-Philippe Lampron
Faculté de droit
Université Laval